lundi 28 juillet 2008

Pour comprendre le Président à vie Robert MUGABE

Les présidentielles au Zimbabwé qui ont duré trois bons mois (du 29 mars au 29 Juin 2008) pourraient s'apparenter à une grande farce pour qui méconnaît le processus historique qui y mène : depuis les simulacres d'indépendance qui ont confié les rênes des pays africains aux commis des ex-empires coloniaux à la mutation de ces mêmes commis en dictateurs dans une indifférence internationale totale, l'Afrique et les africains sont les grands sacrifiés de l'Ordre International. Le plus souvent, l'ONU est impuissante se contentant d'un rôle d'observation, ou alors de résolutions imposant des sanctions qui pèsent sur les populations et jamais sur leurs dirigeants et quand l'ONU avance, elle se constitue en force d'interposition, sans plus. C'est-à-dire en force favorisant le statu quo de l'exercice de la dictature. L'ONU reconnaît les Etats et pas les Nations. Par conséquent, tout Etat, dictatorial ou non, affameur on non, prédateur des richesses publiques ou non, est reconnu à l'ONU au même titre que tous les autres Etats du Monde.

Quant à l'Union Africaine, elle est dans un état contemplatif et en sort sporadiquement pour, elle aussi, observer et quand elle peut faire un peu plus, proposer un gouvernement d'alliance nationale lors des sessions forcément extraordinaires, puisqu'elle n'a pas de culture de la prévention.


A l'aube du 21ème siècle, en Afrique, les mots comme processus démocratique, changement, droits de l'homme, Justice, civilisation qui implique le respect de la vie et de la liberté humaines restent des chimères. La faute à qui ? A un ordre international complice qui cautionne le Pillage d'un côté et prône la Morale dans les discours.

Le Développement Durable sera-t-il, comme la croissance et le développement hier, exclusivement réservé aux pays riches ? Que devient deux des principes fondamentaux de ce Développement Durable savoir celui de la Solidarité, non seulement dans l'espace mais aussi dans le temps d'une part, et celui de la Responsabilité, d'autre part ?

Cette chronologie des évènements est faite pour nous servir d'aide mémoire.



ACTE 1. DIVISER POUR MIEUX REGNER

Souvenons-nous. 1962, un livre «l'Afrique Noire est mal partie» de René Dumont, Ecologiste avant l'heure. Souvenons-nous encore. A la publication de l'ouvrage, beaucoup avait pensé que la formule était exagérée, malgré les démonstrations imparables contenues dans le livre. Ils disaient en chœur, «le pire n'est jamais certain». Pensez donc, une vision aussi sombre et aussi noire, c'était le cas de le dire, une vision aussi noire au moment où les pays africains accédaient à l'indépendance était tout simplement irrecevable. Effectivement, dit aussi crûment, le message avait le tort de transformer l'euphorie des indépendances arrachées au prix des guerres de décolonisation terribles en un épisode déprimant. Bref, cette formule risquait de démolir le rêve d'une victoire arrachée à la force des armes, du poignet et du patriotisme. Les africains voulaient croire que l'Afrique serait désormais gouvernée et gérée par les africains, devenus enfin libres ! COMME C'ETAIT BEAU MAIS NAIF.

Pourtant, les indépendances acquises dans l'improvisation la plus totale, sans aucune période de transition, dans un immense bain de sang, de surcroît, justifiaient à elles toutes seules le titre de l'ouvrage de René Dumont. Déjà les frontières des pays découpées à la fauche devaient mettre la puce à l'oreille. Des ethnies semblables ont été dispersées dans des pays différents et des ethnies différentes regroupées dans un même pays ; ce qui revient d'ailleurs au même. Une application pratique de la théorie cynique : « diviser pour mieux régner ».

Comme si cela ne suffisait pas, les dirigeants africains eux-mêmes ont pris le relais de cet adage qu'ils ont transposé à leur manière en faisant de la préférence ethnique et tribale leur méthode de gouvernance : chaque dirigeant favorise sa Région et ses ressortissants et ignore les autres régions de son Etat. Les germes de l'embrassement sont présents dans ce favoritisme tribal. Mais, les Chefs d'Etat n'en ont cure. Chaque Président exclut les autres ethnies de l'accès aux postes publics, aux Pouvoirs, aux richesses nationales et aux biens publics. On en vient donc à observer que c'est le dirigeant politique, le Chef de l'Etat lui-même qui transforme les différences ethniques naturelles en confrontations guerrières.

Depuis les années 90, ce cycle culmine avec la revendication de la démocratie. Les africains veulent la démocratie. Ceux qui disaient que les africains n'étaient pas prêts pour la démocratie se trompaient. La preuve, combien d'africains sont déjà morts pour cette grande cause ? Des millions. Voici un bilan non exhaustif. 1967-1970, la guerre du Biafra : 1 million de morts. 1994, le Rwanda : un million de morts. Hier, la Somalie, l'Ethiopie, le Libéria, le Sierra Léone, l'Angola, le Congo Brazzaville, le Tchad, le Rwanda, la République démocratique du Congo, la Côte d'Ivoire. Il y a si peu encore, c'était le Kenya et, aujourd'hui encore, le Darfour au Soudan. Comment l'Afrique en est-elle arrivée à avoir des dirigeants sans aucune fibre patriotique ? La "Françafrique", concept popularisé par François-Xavier Verschave (décédé en Juin 2005) donne une clé explicative1.

Pendant les guerres de décolonisation et, bien après, les anciennes colonies se sont livrées à un acte de sabordage spirituel. En tuant systématiquement tous les Leaders indépendantistes, ceux qui revendiquaient les indépendances et qui étaient préparés à prendre la relève, les africains se sont retrouvés en quelque sorte orphelins. Sans pères fondateurs, sans têtes pensantes. Pour couronner le tout, les nouveaux dirigeants ont été choisis puis, installés à la hâte par les anciennes puissances coloniales. Ce qui s'appelait colonisation a pris le nom de coopérations d'Etats. Changement de nom mais pas de procédures ni de méthodes. Plus tard, les essayistes ont appelé cela le néocolonialisme. En clair tout continue comme avant. D'ailleurs, lorsque les dirigeants africains ne convenaient plus à la métropole, un coup d'Etat était dirigé contre eux et ils étaient remplacés par un autre pion. Bob Denard, maître des coups d'Etat en Afrique en a tiré une gloire. Il faut dire que les accords d'assistance militaire étant d'un flou absolu, les bases militaires françaises en Afrique étaient manifestement là pour maintenir l'ordre en Afrique, c'est-à-dire pour protéger le Chef de l'Etat contre son peuple et son opposition. D'ailleurs, il n'y avait et il ne pouvait y avoir qu'un parti unique dans chaque Etat. Opposition zéro. Le Chef de l'Etat en Afrique n'avait donc pas de comptes à rendre à son peuple mais à son ancienne métropole. Robert Mugabe lui a passé ce cap ; il ne rend plus compte qu'à lui-même, convaincu, comme il l'a dit lui même que le Pouvoir lui a été donné depuis les indépendances par Dieu. Si telle est sa conviction profonde, pourquoi avoir organisé des élections ? Le Pouvoir est d'ordre divin ou d'ordre démocratique, pas des deux ordres à la fois, même si les puristes avancent - avec raison - que toute autorité procède de Dieu.

Donc, à l'école des pratiques de la coopération d'Etats, les Chefs d'Etat africains ont retenu trois choses au moins : qu'il fallait systématiquement éliminer les opposants au régime politique, que la corruption et le détournement des fonds publics étaient couverts, dès lors qu'il suffisait de transférer les fonds ainsi détournés dans les institutions bancaires européennes voire de les injecter dans les circuits financiers occidentaux ou de les investir en dehors de l'Afrique. Et ils ont retenu enfin la leçon diabolique : diviser pour mieux régner.
Le Bilan : c'est le désastre actuel.


Acte 2. L'AFRIQUE, NOUVELLES FRONTIERES DU BIG BUSINESS

Souvenons nous encore. Le 26 Février 1885 prenait fin la conférence de Berlin sur le partage de l'Afrique. Convaincus par les militaires, les aventuriers et les philanthropes de tout poil, les responsables politiques comme le républicain français Jules Ferry, le conservateur britannique Benjamin Disraeli, le Roi des Belges, Léopold II qui avait déjà puissamment investi au Congo Léopoldville à titre personnel et bien d'autres encore se sont ralliés à l'idée d'une Afrique sans maître qu'il fallait se partager. Le Chancelier allemand Otto von Bismark convia donc les représentants des Etats-Unis et de 13 pays européens à se répartir les dernières terres qui échappaient encore à la mainmise occidentale, comprendre à la civilisation.

En trois mois, les règles de l'occupation de l'Afrique furent fixées. Liberté de navigation sur les grands fleuves africains ; liberté pour les Etats européens déjà présents sur le littoral d'annexer l'arrière pays correspondant. Attribution à titre privé d'un vaste territoire au cœur de l'Afrique noire au Roi des Belges, Léopold II. Le pays est donc devenu la propriété du Roi des Belges et a été baptisé « Congo Léopoldville » du nom du fleuve Congo et du propriétaire. A sa mort, Léopold II lèguera le Congo à la Belgique. Tout simplement. C'était le temps des colonies.

Puis vint le temps des indépendances,1960. Puis, celui des premiers soubresauts avec la guerre du Biafra en 1967 : guerre pour le pétrole déjà. Comme la guerre du golfe 1 en 1990. Avec la guerre du Biafra on assiste à l'entrée en scène des Humanitaires sous la bannière de « Médecins sans frontières » avec le Ministre français actuel des affaires étrangères, en co-fondateur, Bernard Kouchner, théoricien du droit d'ingérence.

A partir des années 1979, certains dictateurs en Afrique, sûrs de leur impunité, se transforment en Seigneurs de Guerre. Charles Taylor Président du Libéria de 1997 à 2003, en devient l'emblème. Devenu Président, l'ancien Chef des rebelles continuera à régner en parrain en Sierra Léone jusqu'en 2000 lorsque Tony Blair décide d'envoyer les forces spéciales britanniques pour mettre fin au bain de sang en Sierra Léone.

Qui est donc Charles Taylor ? En 1989, Charles Taylor se lance à la conquête de Monrovia, la capitale du Libéria. Il est alors le chef des rebelles du Front national patriotique du Libéria. Pour financer une guerre qui va finalement durer huit ans, Charles Taylor s'allie avec un autre chef de la rébellion en Sierra Léone, Foday Sankoh. Les deux chefs rebelles s'emparent des mines de diamants de la Sierra Leone qui leur permettront d'acheter des armes. Ces diamants de sang atterrissent à Anvers en Belgique où ils sont écoulés. Ils rapporteront un beau pactole à ces 2 Seigneurs de la guerre qu'on estime à 200 millions de dollars au moins. L'armée des rebelles est impitoyable : elle enrôle des jeunes soldats drogués et dressés pour tuer. Les témoignages d'enfants rescapés font état de faits innommables : les enfants étaient enrôlés de force ; ils avaient ordre de tuer y compris leur père et mère, ordre de violer et de mutiler les hommes et les femmes, ordre de piller. Bref, leur mission était de semer la terreur. Une expression est devenue célèbre «manches courtes - manches longues». ».
Dans son livre «Allah n'est pas obligé», l'écrivain ivoirien Ahmadou Kourouma en a donné une description effroyable. Il faut relire ce passage qui dit ceci : « Il faut couper les mains, au maximum de personnes, au maximum de citoyens Sierra Léonais. Il faut couper les mains à tout Sierra Léonais fait prisonnier avant de le renvoyer dans la zone occupée par les forces gouvernementales. Foday donna les ordres et les méthodes et les ordres et les méthodes furent appliqués. On procéda aux « manches courtes » et aux « manches longues ». Les manches courtes c'est quand on ampute les avant bras du patient au coude, les manches longues, c'est lorsqu'on ampute les deux bras aux poignets. Les amputations furent générales, sans exception et sans pitié. Quand une femme se présentait avec son enfant au dos, la femme était amputée et son bébé aussi. Quel que soit l'âge du nourrisson. Autant amputer les citoyens bébés car ce sont de futurs électeurs ».
Il faut noter que pendant ces années de terreur, le business continuait as usual. Au Libéria, les exportateurs européens ou américains de bois et de caoutchouc continuaient leurs affaires comme si de rien n'était. Elu en 1997 avec un slogan de terreur « Il a tué mon père, il a tué ma mère, mais je vote pour lui », en promettant de remettre le pays à sang, s'il n'était pas élu, Charles Taylor est finalement chassé du Pouvoir en 2003 par une nouvelle rébellion. Il s'exile au Nigéria d'où il est extradé à la Haye en 2006, après avoir échoué sa tentative d'évasion vers le Cameroun.



ACTE 1. DIVISER POUR MIEUX REGNER

Souvenons-nous. 1962, un livre «l'Afrique Noire est mal partie» de René Dumont, Ecologiste avant l'heure. Souvenons-nous encore. A la publication de l'ouvrage, beaucoup avait pensé que la formule était exagérée, malgré les démonstrations imparables contenues dans le livre. Ils disaient en chœur, «le pire n'est jamais certain». Pensez donc, une vision aussi sombre et aussi noire, c'était le cas de le dire, une vision aussi noire au moment où les pays africains accédaient à l'indépendance était tout simplement irrecevable. Effectivement, dit aussi crûment, le message avait le tort de transformer l'euphorie des indépendances arrachées au prix des guerres de décolonisation terribles en un épisode déprimant. Bref, cette formule risquait de démolir le rêve d'une victoire arrachée à la force des armes, du poignet et du patriotisme. Les africains voulaient croire que l'Afrique serait désormais gouvernée et gérée par les africains, devenus enfin libres ! COMME C'ETAIT BEAU MAIS NAIF.

Pourtant, les indépendances acquises dans l'improvisation la plus totale, sans aucune période de transition, dans un immense bain de sang, de surcroît, justifiaient à elles toutes seules le titre de l'ouvrage de René Dumont. Déjà les frontières des pays découpées à la fauche devaient mettre la puce à l'oreille. Des ethnies semblables ont été dispersées dans des pays différents et des ethnies différentes regroupées dans un même pays ; ce qui revient d'ailleurs au même. Une application pratique de la théorie cynique : « diviser pour mieux régner ».

Comme si cela ne suffisait pas, les dirigeants africains eux-mêmes ont pris le relais de cet adage qu'ils ont transposé à leur manière en faisant de la préférence ethnique et tribale leur méthode de gouvernance : chaque dirigeant favorise sa Région et ses ressortissants et ignore les autres régions de son Etat. Les germes de l'embrassement sont présents dans ce favoritisme tribal. Mais, les Chefs d'Etat n'en ont cure. Chaque Président exclut les autres ethnies de l'accès aux postes publics, aux Pouvoirs, aux richesses nationales et aux biens publics. On en vient donc à observer que c'est le dirigeant politique, le Chef de l'Etat lui-même qui transforme les différences ethniques naturelles en confrontations guerrières.

Depuis les années 90, ce cycle culmine avec la revendication de la démocratie. Les africains veulent la démocratie. Ceux qui disaient que les africains n'étaient pas prêts pour la démocratie se trompaient. La preuve, combien d'africains sont déjà morts pour cette grande cause ? Des millions. Voici un bilan non exhaustif. 1967-1970, la guerre du Biafra : 1 million de morts. 1994, le Rwanda : un million de morts. Hier, la Somalie, l'Ethiopie, le Libéria, le Sierra Léone, l'Angola, le Congo Brazzaville, le Tchad, le Rwanda, la République démocratique du Congo, la Côte d'Ivoire. Il y a si peu encore, c'était le Kenya et, aujourd'hui encore, le Darfour au Soudan. Comment l'Afrique en est-elle arrivée à avoir des dirigeants sans aucune fibre patriotique ? La "Françafrique", concept popularisé par François-Xavier Verschave (décédé en Juin 2005) donne une clé explicative1.

Pendant les guerres de décolonisation et, bien après, les anciennes colonies se sont livrées à un acte de sabordage spirituel. En tuant systématiquement tous les Leaders indépendantistes, ceux qui revendiquaient les indépendances et qui étaient préparés à prendre la relève, les africains se sont retrouvés en quelque sorte orphelins. Sans pères fondateurs, sans têtes pensantes. Pour couronner le tout, les nouveaux dirigeants ont été choisis puis, installés à la hâte par les anciennes puissances coloniales. Ce qui s'appelait colonisation a pris le nom de coopérations d'Etats. Changement de nom mais pas de procédures ni de méthodes. Plus tard, les essayistes ont appelé cela le néocolonialisme. En clair tout continue comme avant. D'ailleurs, lorsque les dirigeants africains ne convenaient plus à la métropole, un coup d'Etat était dirigé contre eux et ils étaient remplacés par un autre pion. Bob Denard, maître des coups d'Etat en Afrique en a tiré une gloire. Il faut dire que les accords d'assistance militaire étant d'un flou absolu, les bases militaires françaises en Afrique étaient manifestement là pour maintenir l'ordre en Afrique, c'est-à-dire pour protéger le Chef de l'Etat contre son peuple et son opposition. D'ailleurs, il n'y avait et il ne pouvait y avoir qu'un parti unique dans chaque Etat. Opposition zéro. Le Chef de l'Etat en Afrique n'avait donc pas de comptes à rendre à son peuple mais à son ancienne métropole. Robert Mugabe lui a passé ce cap ; il ne rend plus compte qu'à lui-même, convaincu, comme il l'a dit lui même que le Pouvoir lui a été donné depuis les indépendances par Dieu. Si telle est sa conviction profonde, pourquoi avoir organisé des élections ? Le Pouvoir est d'ordre divin ou d'ordre démocratique, pas des deux ordres à la fois, même si les puristes avancent - avec raison - que toute autorité procède de Dieu.

Donc, à l'école des pratiques de la coopération d'Etats, les Chefs d'Etat africains ont retenu trois choses au moins : qu'il fallait systématiquement éliminer les opposants au régime politique, que la corruption et le détournement des fonds publics étaient couverts, dès lors qu'il suffisait de transférer les fonds ainsi détournés dans les institutions bancaires européennes voire de les injecter dans les circuits financiers occidentaux ou de les investir en dehors de l'Afrique. Et ils ont retenu enfin la leçon diabolique : diviser pour mieux régner.
Le Bilan : c'est le désastre actuel.


Acte 2. L'AFRIQUE, NOUVELLES FRONTIERES DU BIG BUSINESS

Souvenons nous encore. Le 26 Février 1885 prenait fin la conférence de Berlin sur le partage de l'Afrique. Convaincus par les militaires, les aventuriers et les philanthropes de tout poil, les responsables politiques comme le républicain français Jules Ferry, le conservateur britannique Benjamin Disraeli, le Roi des Belges, Léopold II qui avait déjà puissamment investi au Congo Léopoldville à titre personnel et bien d'autres encore se sont ralliés à l'idée d'une Afrique sans maître qu'il fallait se partager. Le Chancelier allemand Otto von Bismark convia donc les représentants des Etats-Unis et de 13 pays européens à se répartir les dernières terres qui échappaient encore à la mainmise occidentale, comprendre à la civilisation.

En trois mois, les règles de l'occupation de l'Afrique furent fixées. Liberté de navigation sur les grands fleuves africains ; liberté pour les Etats européens déjà présents sur le littoral d'annexer l'arrière pays correspondant. Attribution à titre privé d'un vaste territoire au cœur de l'Afrique noire au Roi des Belges, Léopold II. Le pays est donc devenu la propriété du Roi des Belges et a été baptisé « Congo Léopoldville » du nom du fleuve Congo et du propriétaire. A sa mort, Léopold II lèguera le Congo à la Belgique. Tout simplement. C'était le temps des colonies.

Puis vint le temps des indépendances,1960. Puis, celui des premiers soubresauts avec la guerre du Biafra en 1967 : guerre pour le pétrole déjà. Comme la guerre du golfe 1 en 1990. Avec la guerre du Biafra on assiste à l'entrée en scène des Humanitaires sous la bannière de « Médecins sans frontières » avec le Ministre français actuel des affaires étrangères, en co-fondateur, Bernard Kouchner, théoricien du droit d'ingérence.

A partir des années 1979, certains dictateurs en Afrique, sûrs de leur impunité, se transforment en Seigneurs de Guerre. Charles Taylor Président du Libéria de 1997 à 2003, en devient l'emblème. Devenu Président, l'ancien Chef des rebelles continuera à régner en parrain en Sierra Léone jusqu'en 2000 lorsque Tony Blair décide d'envoyer les forces spéciales britanniques pour mettre fin au bain de sang en Sierra Léone.

Qui est donc Charles Taylor ? En 1989, Charles Taylor se lance à la conquête de Monrovia, la capitale du Libéria. Il est alors le chef des rebelles du Front national patriotique du Libéria. Pour financer une guerre qui va finalement durer huit ans, Charles Taylor s'allie avec un autre chef de la rébellion en Sierra Léone, Foday Sankoh. Les deux chefs rebelles s'emparent des mines de diamants de la Sierra Leone qui leur permettront d'acheter des armes. Ces diamants de sang atterrissent à Anvers en Belgique où ils sont écoulés. Ils rapporteront un beau pactole à ces 2 Seigneurs de la guerre qu'on estime à 200 millions de dollars au moins. L'armée des rebelles est impitoyable : elle enrôle des jeunes soldats drogués et dressés pour tuer. Les témoignages d'enfants rescapés font état de faits innommables : les enfants étaient enrôlés de force ; ils avaient ordre de tuer y compris leur père et mère, ordre de violer et de mutiler les hommes et les femmes, ordre de piller. Bref, leur mission était de semer la terreur. Une expression est devenue célèbre «manches courtes - manches longues». ».
Dans son livre «Allah n'est pas obligé», l'écrivain ivoirien Ahmadou Kourouma en a donné une description effroyable. Il faut relire ce passage qui dit ceci : « Il faut couper les mains, au maximum de personnes, au maximum de citoyens Sierra Léonais. Il faut couper les mains à tout Sierra Léonais fait prisonnier avant de le renvoyer dans la zone occupée par les forces gouvernementales. Foday donna les ordres et les méthodes et les ordres et les méthodes furent appliqués. On procéda aux « manches courtes » et aux « manches longues ». Les manches courtes c'est quand on ampute les avant bras du patient au coude, les manches longues, c'est lorsqu'on ampute les deux bras aux poignets. Les amputations furent générales, sans exception et sans pitié. Quand une femme se présentait avec son enfant au dos, la femme était amputée et son bébé aussi. Quel que soit l'âge du nourrisson. Autant amputer les citoyens bébés car ce sont de futurs électeurs ».
Il faut noter que pendant ces années de terreur, le business continuait as usual. Au Libéria, les exportateurs européens ou américains de bois et de caoutchouc continuaient leurs affaires comme si de rien n'était. Elu en 1997 avec un slogan de terreur « Il a tué mon père, il a tué ma mère, mais je vote pour lui », en promettant de remettre le pays à sang, s'il n'était pas élu, Charles Taylor est finalement chassé du Pouvoir en 2003 par une nouvelle rébellion. Il s'exile au Nigéria d'où il est extradé à la Haye en 2006, après avoir échoué sa tentative d'évasion vers le Cameroun.


A la Cour spéciale pour la Sierra Léone (CSSL) qui siège exceptionnellement à la Cour Pénale internationale (CPI) à la Haye, en raison des troubles que le procès de ce parrain aurait pu faire courir à la sous région, Charles Taylor doit répondre de deux chefs d'accusation « crimes de guerres » et « crimes contre l'humanité ». 2003 marque la chute de Charles Taylor et la fin d'un autre dictateur sanguinaire, exilé en Arabie Saoudite : la mort d'un certain Idi Amin, Président de l'Ouganda, arrivé au Pouvoir à la faveur d'un coup d'Etat. Il dirigera l'Ouganda de 1971 à 1979. Son régime est accusé d'avoir fait entre 300 000 et 500 000 morts. Des civils opposants au régime.



Acte 3. L'AFRIQUE A NU

Voilà donc l'Afrique en pleine interrogation, depuis qu'elle observe qu'elle peut créer des dictateurs encore plus sanguinaires que les ex-colons. L'Afrique qui ne peut plus tout mettre sur le dos de la colonisation. L'Afrique qui ne peut plus se reposer sur les coopérations d'Etat. L'Afrique face au Miroir. Seule depuis la conférence de Berlin de 1885. L'Afrique face au destin qu'elle semble appeler depuis 1985 avec un slogan local : « l'africanisation des cadres ».

Nous sommes en 1985. 25 ans seulement après les indépendances durement conquises, le rêve d'une Afrique en voie de décollage économique commence à s'écrouler. Les premiers signes de la faillite des Etats sont apparus en 1979 avec la chute du cours du cacao et se sont accentués sur toute la décennie qui a suivi. C'est au bout de cette lente agonie de la chute des cours des matières premières, que le FMI entre en scène en Afrique avec ses fameux plans d'ajustements structurels, pour assainir les comptes publics et la gestion des affaires de l'Etat. Curieusement, l'orthodoxie économique implacable des Plans d'ajustements structurels a eu pour effet immédiat d'accélérer la crise économique en y ajoutant la faillite sociale. Au point que le FMI a été obligé d'ajuster socialement les plans d'ajustements structurels. Avouez que ajuster l'ajustement, cela ne manquait pas de sel. Reste que le FMI a quand même ouvert une brèche dans une comptabilité publique hermétique. Sans marges de manœuvre, le même FMI a prescrit à l'Afrique un autre poison lent : la privatisation de tout ce que l'Etat ne peut pas économiquement viabiliser. Autant dire de presque tout en Afrique. La grande braderie s'est donc mise en place. Au final, deux acteurs dominent l'Afrique actuelle : les Organisations non gouvernementales financées à coups de millions d'euros ou de dollars par les Etats occidentaux et les multinationales, les nouveaux prédateurs. Il semblerait que les premiers employeurs en Afrique aujourd'hui soient les ONG, encore une curiosité.

Souvenons nous encore. Après la chute du mur de Berlin, en 1989, François Mitterand a eu une phrase heureuse lors du sommet franco africain de la Baule «l'aide contre la démocratie». Tout le monde avait applaudi. Hélas, hélas, la joie fut de courte durée, puisqu'on sait depuis que le Président était personnellement lié d'amitié avec le Président rwandais Hutu Habyarimana, tué par un missile terroriste en plein vol, alors que celui-ci rentrait au Rwanda. Les Hutus ont attribué cet acte aux Tutsis. On connaît la suite : un génocide et 1 million de morts. Dans la province du Kivu, province de la République démocratique du Congo, ex Congo Léopoldville, proche du Rwanda, les viols, les meurtres et les crimes issus de cette guerre du Rwanda viennent à peine de s'éteindre et encore, cela reste à vérifier.

Depuis le discours de la Baule, l'aide contre la démocratie, non seulement il n'y a pas eu de démocratie, l'aide n'a pas été interrompue pour autant et en plus la majorité des chefs d'Etats africains qui étaient déjà au Pouvoir en 1989 sont toujours au Pouvoir. Certains d'entre eux, envisagent même de recourir au changement de la Constitution pour rester au Pouvoir à vie. Et la communauté internationale ne dit rien. Si, elle partage l'Afrique entre les ONG, les nouvelles fondations civiles, les Evangélistes et les multinationales, comme les grandes puissances se l'étaient partagée auparavant à Berlin en 1885.

Pendant ce temps-là, l'Union africaine a eu toutes les peines du Monde pour gérer la crise au Kenya, comme toutes les autres crises du continent dont celle du Zimbabwe. Après Desmond Tutu, Prix Nobel de la Paix en 1984, ancien Archevèque du cap, ce qui lui confère une autorité morale en Afrique, Kofi Annan, l'ex secrétaire Général de l'ONU a pris le relais de la médiation entre le Président Kenyan élu en fraude, Mwai Kibaki et son rival malheureux, Raila Odinga. Le compromis : le Président frauduleux reste en place, le candidat volé obtient un lot de consolation en devenant Premier Ministre. L'Afrique était donc bel et bien mal partie. Et elle risque de repartir mal tant que les pays occidentaux continueront par exemple à lui vendre des armes dont elle n'a que faire. L'Union européenne en a pris acte. Tout sauf les armes pour bénéficier de l'aide européenne. On jugera dans les faits.

Là-dessus, le Président Nicolas Sarkozy, lors de sa visite africaine en Juin 2007, déclarait à l'Université Cheikh Anta Diop de Dakar que : «l'Africain doit entrer davantage dans l'histoire. Jamais a-t-il dit, l'africain ne s'élance vers l'avenir. Jamais il ne lui vient à l'idée de sortir de la répétition pour s'inventer un destin». Les africanistes et les africains ont reçu cette phrase comme une balle en plein coeur. Sous le choc, certains avaient même cru qu'il s'agissait de l'acte de décès de la Françafrique. Ici en France, Bernard Henri Lévy a qualifié la plume de l'Elysée de « raciste » et celui-ci, Henri Guaino a répondu à Bernard Henri Lévy qu'il était un « gros con ». Personnellement, je ne crois pas que les propos de Dakar du Président Sarkozy soient dénués d'objectivité. Par contre, quand il dit à Libreville, à la suite de Dakar, « que la colonisation n'est pas responsable des guerres sanglantes que se font les africains entre eux, des génocides, des dictateurs, du fanatisme, de la corruption », la réponse est plus nuancée. Ce n'est effectivement pas la faute de la colonisation. C'est celle de la coopération d'Etats. La colonisation est venue avec de vrais missionnaires et des businessmen à visage découvert. La coopération d'Etats est venue avec des faux prédicateurs. Le FMI lui promet carrément de faux Sauveurs à l'Afrique. Quant aux ONG, ce n'est pas une solution durable. En fait, tous ceux qui prétendent aider l'Afrique se servent copieusement au passage.Comment peut-il en être autrement puisque les premiers à se servir copieusement sont les dirigeants africains.

Et les africains dans tout ça, me direz vous ? En pleine quête identitaire, ils ont découvert qu'ils seraient descendants de l'Egypte des pharaons Noirs. Imhotep est devenu leur emblème et Cheikh Anta Diop, l'égyptologue, leur icône. Un site Africamaat, « l'Afrique de tous les savoirs » porte haut et fort cette quête. Un autre « Ankh » de Mr. M'backe concentre la recherche appliquée à ce sujet. Alors, quand le Président Nicolas Sarkozy leur dit que « l'Africain doit entrer dans l'Histoire », au sein du temple du savoir baptisé Cheikh Anta Diop, vous comprenez le cri d'horreur ! Quoi, nous dire ça à nous, les descendants de la civilisation Egyptienne et Nubienne ! L'Egypte qui a tout inventé : l'urbanité, l'architecture, les mathématiques, la politique, tous les savoirs quoi. S'entendre dire, je cite le Président de la République que : « l'homme africain ne serait pas assez entré dans l'histoire ; que dans son imaginaire il n'y a pas de place ni pour l'aventure humaine, ni pour l'idée de progrès, Jamais il ne s'élance vers l'avenir ». C'en était trop. La vérité c'est que, devant une telle charge civilisationnelle, l'Afrique n'a rien à opposer, elle est nue. A Dakar, le choc a été tel qu'une historienne malienne, a proposé à ses collègues de mettre en place un comité interafricain de rédaction de l'histoire de l'Afrique à l'intention du Président de la République française.

Fausse route. Une telle initiative n'a de sens que si elle s'adresse d'abord aux élites africaines et si elle sert de base d'éducation aux premiers concernés : les africains bien sûr. Cela fait trop longtemps que l'Afrique louvoie, tâtonne et se fourvoie et que le monde entier accepte l'inacceptable quand il a lieu en Afrique. Foin de résolutions et des sanctions. Voici venu le temps de l'action. Cette action pourrait prendre la forme d'une exigence simple à mettre en oeuvre : soumettre la reconnaissance des Etats à l'ONU, l'aide au développement et l'installation des multinationales à une triple charte

- La supervision des élections par un comité d'observation international dans les pays d'Afrique Noire où règne une suspicion généralisée de fraudes électorales depuis les années de revendication, 1990

- La non reconnaissance par l'ONU de tout état coupable de fraudes électorales

- L'application du droit d'ingérence partout où des hommes et des femmes sont emprisonnés, tués et mutilés pour les libertés humaines.

Combattre la pauvreté et la misère, oeuvrer pour le développement des pays pauvres ne peuvent être possible que dans un cadre de libertés et de respect de la vie. Le Développement Durable est une culture de la vie et non celle de la Mort. Le Développement Durable est une culture du Renouvellement et non celle des «Natures mortes» qui singent la vie sans être la Vie. C'est tout le mal que l'on peut souhaiter à l'Union Africaine.



Elise Mbock.
30 juin 2008.

1. Vous trouverez dans mon livre "Le clonage institutionnel" (2007), pp. 91-118 , un guide complet de la "Françafrique" dont le Secrétaire d'Etat français à la Coopération, Jean-Marie Bockel, avait invité le Président de la République à "signer l'acte de décès", conformément aux promesses du candidat Nicolas Sarkozy. Invitation qui a valu à l'intéressé un changement de portefeuille disciplinaire.

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